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Troudair

08 avril 2004
 
télévision réelle
Et si Warhol rencontrait Antonioni, est-ce qu'il colorierait ses films ?
Hier débutait la nouvelle émission "Les colocataires" sur M6.
Je vous épargne le principe, les règles du jeu, etc.
Première personne a entrer dans l'appartement concocté par l'équipe de production.
Filmée par 57 caméras, elle avance dans le jardin artificiel, sous la lumière artificielle.
En réunion de production, un peu plus tôt, il a dû se dire "il faut bien insister sur ses réactions, c'est elle la première, il ne faut rien louper de ce qu'elle dit". Alors la présentatrice arrête subitement de parler après avoir lancé "mais écoutons plutôt les commentaires de **** [je sais plus son nom]".
production d'images - images de productionS'en suit un silence d'environ une minute, quelques millions de téléspectateurs suspendus aux lèvres de cette gosse qui n'a évidement rien à dire et qui, par conséquent, ne dit rien. Une minute, à la télé, c'est long. Les caméras fixées en haut des murs de l'appartement pivotent sur leur axe, suivent cette petite silhouette perdue, et tout ça est excessivement dramatique, au sens théâtral du terme. Elle marche en silence et tout le monde profite de cet instant où le public écervelé se tait pour enfin regarder. Elle arrive devant un escalier qu'elle s'apprête à gravir... "Non !" crie la présentatrice, brisant le silence pesant, "vous n'avez pas le droit d'aller là !". Et c'est le comble du suspens. Là où tout est factice, préfabriqué, cerné par l'oeil de la France entière, une tonne d'épaisseur s'abat sur le téléspectateur. Et en une minute, on lui a raconté une histoire, avec son timing, ses métaphores, ses mystères.
Quand le public se remet à hurler pour accueillir les candidats suivants, on entend faiblement la voix de la jeune fille, bardée de son micro HF, lointaine, déjà gobée par la tragédie : "Je peux monter maintenant ?".
On lui coupe son micro et on lance la suite mais déjà, il se passe quelque chose.